15 avril 1949 – 13 novembre 1960 : Président de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR).
La compagnie a été créée en mai 1933 à l’initiative d’Édouard Herriot, maire de Lyon, et de Léon Perrier, député puis sénateur de l’Isère, qui en fut le premier président. La compagnie étant une entreprise nationale, son président est nommé par le gouvernement.
Le directeur général est Pierre Delattre, le directeur technique Marc Henry.
La compagnie poursuit trois buts :
– favoriser la navigation,
– produire de l’électricité,
– distribuer l’eau du fleuve.
Construction des barrages de Donzère-Mondragon (1952), Montélimar (1957), Baix-le-Logis-Neuf (1960), Beauchastel (1963) et Pierre-Bénite (1967).
Le barrage de Donzère-Mondragon est le premier et le plus important de la série citée ci-dessus. Ce site avait été choisi parce que la forte pente du Rhône y était favorable à la production d’énergie et que les rapides de Pont-Saint-Esprit constituaient une forte entrave à la navigation.
L’ensemble des installations réalisées comprend les ouvrages suivants :
– un barrage de retenue comprenant 5 passes de 31,5 m et une passe de 45 m.
– un canal de dérivation de 28 km de long, 17 km pour le canal d’amenée et 11 km pour le canal de fuite. Sa largeur est de 145 m.
– une centrale de production d’énergie, baptisée centrale André Blondel, de 185 m de long, de 75 m de large et de 58 m de haut. La chute d’eau de 22 m est exploitée par 6 groupes turbine-générateur de 50 mégawatts chacun, les turbines étant du type Kaplan. Chaque groupe pèse 1200 tonnes.
– une écluse de 12 m de large, de 195 m de long, de 26 m de dénivelé et d’un tirant d’eau de 2,6 m. Ce qui la fit l’écluse la plus haute du monde, à l’époque. Cette écluse a été conçue par Albert Caquot : Chaque porte, entièrement métallique, est d’une seule pièce, de forme hémi-cylindrique et se déplace verticalement ; la porte aval est haute de 14,5 m. Le temps de remplissage ou de vidage est de 10 minutes.
– des ouvrages annexes : 9 ponts routiers et 2 ponts ferroviaires.
Les travaux débutèrent en 1947. C’était une tâche difficile dans un fleuve de débit moyen 1.660 m3/s et des crues atteignant 10.000 m3/s. Le chantier fut gravement perturbé en novembre 1951 par une inondation due à de fortes pluies locales.
L’emprise du chantier était de 20 km². Les terrassements atteignirent 50 millions de m3. On coula 1,1 million de m3 de béton. L’effectif moyen fut de 6.000 ouvriers travaillant 54 heures par semaine. Il fallut construire 8 cités. On déplora 81 morts.
Le coût de l’opération fut de 80 milliards d’anciens francs, soit l’équivalent de 2,4 milliards d’euros 2012, répartis comme suit :
– 4 milliards de francs, au titre du plan Marshall,
– 29 milliards de francs, de l’État, au titre du Fonds de Modernisation et d’Équipement,
– le reste, soit 47 milliards de francs, couvert par l’emprunt.
La centrale est mise en eau le 24 mars 1952. Le premier groupe de la centrale est mis en marche le 28 mars 1952. Le troisième groupe est mis en marche le 25 octobre 1952, faisant l’objet d’une grandiose cérémonie d’inauguration. A la demande du Président de la République Vincent Auriol, désirant faire connaître au monde entier le redressement économique de la France, l’inauguration de Donzère-Mondragon en octobre 1952 est célébrée en grande pompe en présence des experts de la Banque Mondiale et du corps diplomatique (47 ambassadeurs dont le nonce Mgr Roncalli, futur Jean XXIII). Le programme des festivités, qui durent quatre jours, comprend une journée dans la cité médiévale de Pérouges (avec une conférence d’Edouard Herriot sur Favre de Vaugelas, seigneur de Pérouges, et une représentation des Femmes Savantes par la Comédie Française), la visite de Vaison-la-Romaine, un dîner dans le Château des Papes à Avignon et un dîner aux Baux-de-Provence.
La CNR a pour conseiller technique Albert Caquot, président de l’Académie des Sciences, qui fut, avec Eugène Freyssinet, l’un des deux chefs de file de la construction française pendant la première moitié du XX° siècle. Émile Bollaert et Pierre Delattre sont en très bons termes avec lui.
Ce qui est d’autant plus appréciable qu’Albert Caquot a un caractère entier ; il ne peut résister au plaisir de contredire publiquement les directeurs du Ministère des Travaux Publics ou de l’EDF, même si cette polémique doit coûter à son bureau d’études la perte d’un important contrat.
Certaines de ses réactions sont surprenantes. En voici deux exemples qui m’ont été rapportés par mon père qui ne pouvait s’empêcher de rire en les évoquant :
1) Albert Caquot avait conçu un pont suspendu à suspentes obliques (appelé également pont à haubans), mais le ministère des Travaux Publics avait refusé de le réaliser. La CNR retient ce projet pour construire un pont sur la déviation de Donzère-Mondragon, toutefois pour le passage d’une route secondaire. C’est ainsi qu’est édifié en 1952 le premier pont à haubans construit en France. Lorsque le pont est achevé, Marc Henry convie Albert Caquot à assister aux essais en charge. Réponse de celui-ci : « C’est inutile ». Les essais effectués, Marc Henry rappelle Albert Caquot pour l’informer que les flèches mesurées sont parfaitement conformes aux prévisions. Réponse de ce dernier : « Cela fait vingt ans que je le sais ».
Cette conception fut largement utilisée par la suite, par exemple en 1995 pour le pont de Normandie.
2) pour le canal de Donzère-Mondragon, Albert Caquot avait conçu un revêtement de berges avec des dalles en béton, prévu pour les crues centenaires du fleuve. Mais une crue exceptionnelle, d’ordre millénaire, survient et emporte les dalles. Marc Henry en informe Albert Caquot qui répond : « Heureusement ! ». Marc Henry croit avoir mal compris et dit : « Pardon ? ». Albert Caquot confirme : « Heureusement que ces dalles ont été emportées, sinon cela aurait démontré que nous étions surabondants ». Les dalles seront reposées à l’identique.
Émile Bollaert regrette de ne pas rendre le Rhône navigable de Lyon au lac de Genève, réalisant ainsi la liaison du Rhône au Rhin. Le projet est techniquement possible, mais ne voit pas le jour, faute d’un accord financier franco-suisse et sera définitivement abandonné en 1997.
14 novembre 1960 : Président honoraire de la Compagnie Nationale du Rhône.
1960 – 1978 : Se consacre à de nombreuses associations à caractère artistique, culturel, diplomatique (pour le rayonnement culturel de la France à l’étranger) ou social. Leur liste est donnée ci-après.
(mis à jour en juillet 2017)
-> Chapitre 11 : Activités annexes