18 mai 1978 : Décès à Paris.
23 mai 1978 : Hommage solennel du Gouvernement, représenté par le ministre de la Défense Yvon Bourges, et du président du Sénat Alain Poher aux Invalides.
Oraison du Père Michel Riquet.
Étaient présents : les anciens premiers ministres Michel Debré, Pierre Messmer , René Pléven et Jacques Chaban-Delmas ainsi que Gilbert Grandval, ancien haut-commissaire au Maroc et ancien ministre.
Enterrement au cimetière du Montparnasse à Paris.
Son épouse décède à Paris le 26 février 1979.
Ils laissent quatre enfants :
– Paulette née le 14 juillet 1920 à Saint-Etienne (Loire), mariée le 28 décembre 1946 à Roger Kadouch, proviseur, ancien volontaire de la 2° DB (Paris, Alsace, Allemagne); veuve le 12 janvier 1992, décédée le 27 novembre 1998. Cinq enfants : Michel (1947), Muriel (1948), Catherine (1951), Laurent (1954), Thierry (1965-2016).
A participé à un mouvement de résistance (confection de faux papiers d’identité).
– Roland né le 22 septembre 1922 à Arcis-sur-Aube (Aube), ingénieur thermicien, marié le 4 juillet 1953 à Nelly Vanderlinden, décédé le 30 août 2010. Trois fils : Philippe (1958), Eric (1961), Christian (1963).
S’est évadé de France en 1943 pour regagner le Maroc, via l’Espagne. A combattu en Italie et en France dans le 4° régiment de spahis marocains.
– Jacqueline née le 7 août 1927 à Dinard (Ille et Vilaine), filleule d’Edouard Herriot, mariée le 20 décembre 1948 à Albert Guénard, capitaine de l’Armée de l’Air ; veuve en mars 1956, puis remariée le 26 juillet 1967 au vicomte Fernand Dauger, exploitant agricole. Décédée le 27 juin 2002. Un fils de son second mari : Frédéric (1968-1995).
A participé à la guerre d’Algérie comme convoyeuse (infirmière navigante) de l’Armée de l’Air. A pris sa retraite avec le grade de lieutenant-colonel.
– Alain né le 21 mars 1931 à Epinal (Vosges), ingénieur de l’Ecole Centrale de Paris (promo 1955), docteur-ingénieur (en 1970) de l’Académie des Sciences de Paris, marié le 14 septembre 1956 à Annick Dubois. Quatre enfants : Gilles (1959), Christine (1960), Pascale (1961), Yann (1967).
14 janvier 1976, réunion de famille pour la Grande Médaille de Vermeil de la Ville de Paris
Parmi les hommages posthumes, on peut citer :
Ministère de l’Intérieur :
Publication en 1980 d’un numéro hors-série de la revue Administration entièrement consacré à l’œuvre d’Émile Bollaert. Rédacteur en chef : Jacques Gandouin.
Articles des préfets Roger Génébrier, Jacques Gandouin, Jean Taulelle, René Paira, Daniel Doustin, Bernard Cornut-Gentille, Richard Pouzet, Georges Thomé, et Jean-Daniel Herrenschmidt, vice-président de la Mission Laïque Française, du magistrat Maurice Rolland, des journalistes Henri Amoretti et Auguste Dupouy, du président du conseil général Laurent Bonnevay, du capitaine Léon Bard, des ambassadeurs Jean Daridan et Tran Van Kha, de Mme Gilberte Brossolette, du père Michel Riquet, des premiers ministres Pierre Messmer et René Pleven, président de l’association Olga-Spitzer, des écrivains Charles Ruen, Henry Malherbe et Pierre Dehaye, du conseiller d’État Xavier de Christen, et du président du Sénat Alain Poher.
Lors d’une petite cérémonie organisée le 18 mai 2022 à l’Hôtel des Invalides pour la remise par Alain Bollaert des archives d’Émile Bollaert au Musée de la Libération, la préfète Magali Charbonneau, vice-présidente de l’Asssociation du Corps Préfectoral, a prononcé un éloge d’Émile Bollaert.
Ville de Dunkerque (Nord) :
Sur la proposition de René Cordier, directeur du Conservatoire de musique de Dunkerque et ancien élève d’Émile Georges Bollaert, la municipalité a, le 29 novembre 1958, donné le nom d’Émile Bollaert à une place carrée, à l’intersection de la rue de la Marine et de la rue du Président Wilson, à deux pas de la place Jean Bart, cœur de la cité.
Officiellement, la municipalité honorait le musicien Émile Georges Bollaert, mais il était évident qu’elle jouait sur les prénoms pour honorer du même coup le musicien et son fils Émile Édouard Bollaert, haut fonctionnaire, du vivant même de ce dernier : Les plaques mentionnent « Place Émile Bollaert » sans indication de date ni de profession.
Département du Rhône :
Malgré la promesse faite le 7 octobre 1940 par Laurent Bonnevay, président du conseil général du Rhône, de donner le nom d’Émile Bollaert au parc de Parilly qu’il avait créé sur la commune de Bron, il n’en a rien été. Seule l’allée principale du parc, réservée aux piétons, porte depuis le 10 novembre 1990 le nom de Boulevard Émile Bollaert. Auparavant, il avait été placé dans le parc, non loin de ce boulevard, dans le « Parc Alpestre », une stèle sculptée par Raymond Corbin et inaugurée le 19 mai 1983 par Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur, en présence d’une trentaine de préfets.
Le 18 juin 2019, à l’initiative de M. Pascal Mailhos, Préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, et en présence de M. David Kimelfeld, Président de la Métropole de Lyon, et de M. Jean-Michel Longueval, Maire de Bron, il a été ajouté, sous cette stèle, une plaque rappelant que le préfet Émile Bollaert avait été un grand Résistant, promu Compagnon de la Libération.
Une nouvelle cérémonie devant cette stèle était prévue le 21 juin 2024, à l’initiative de Mme Fabienne Buccio, Préfète du Rhône et Préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette date a été annulée après la dissolution du parlement, puis reportée au 24 septembre 2024.
Ville de Paris :
Une rue du 19° arrondissement porte son nom. Son inauguration par Jean Tiberi, maire de Paris, a eu lieu le 2 décembre 1998.
Sur cette rue, existe une école primaire qui porte également son nom.
Le mail voisin, situé entre la rue Émile Bollaert et le boulevard MacDonald, d’ une superficie de 13.000 m² et créé en 1998 porte le nom de Mail Émile Bollaert, bien qu’il n’ait pas été officiellement baptisé.
Ville de Plogoff (Finistère) :
Une stèle, en forme de menhir, a été érigée le 8 mai 2004 sur la côte, au lieu-dit Feunteun Aod, en face de l’emplacement du naufrage du « Jouet des Flots ».
Une nouvelle cérémonie devant cette stèle est prévue le 27 mai 2024, à l’initiative de M. Alain Espinasse, préfet du Finistère.
Ligue Urbaine et Rurale :
Parmi les très nombreux articles publiés après le décès d’Émile Bollaert en 1978, ceux de M. Xavier de Christen (qui lui succéda en 1973 à la présidence de la Ligue Urbaine et Rurale) décrivent fort bien le caractère d’Émile Bollaert, tout à la fois esthète, humaniste et déterminé.
Je citerai :
– l’article paru en 1980 dans la revue Administration,
– l’article paru en 1988 dans les Cahiers de la Ligue Urbaine et Rurale, reproduit ci-dessous :
« C’est à Saïgon qu’en 1947 j’ai rencontré pour la première fois la bienveillance de son regard bleu. Ce fut en effet mon privilège que de servir à son cabinet alors qu’il était Haut-Commissaire de France en Indochine. Sans rappeler cependant le proconsul devant lequel, aux fêtes du Grand Serment sur les hauts plateaux Moï, plusieurs centaines d’éléphants venaient s’agenouiller (d’autres ont retracé ses accomplissements dans ce monde), je me bornerai à évoquer certains traits d’une riche personnalité.
Il était plus qu’un autre sensible à la beauté. En Asie, où elle se déployait dans le foisonnement des forêts, les danses hiératiques sur les parvis d’Angkor, ou les sinuosités des toitures aux tuiles vernissées, je l’ai vu s’émouvoir devant l’exubérance d’un paysage, la grâce d’un geste, les raffinements d’une civilisation.
Il était parti dans la vie pour être musicien. Il aimait en connaisseur la peinture. Lettré, il s’attachait, dans un temps qui trop souvent en fait fi, à la perfection de la forme. Préfet du Rhône, il avait deviné quelle sévère splendeur se dissimulait à Lyon sous la crasse du quartier Saint-Jean et, bien avant la loi Malraux, quel parti l’on en pouvait tirer. J’imagine combien la direction des Beaux-Arts avait comblé cette part émerveillée de lui-même dont l’engagement dans l’action n’a jamais altéré la fraîcheur. Entre tant de titres, celui de directeur honoraire des Beaux-Arts était celui auquel il se référait le plus volontiers.
L’aspect désintéressé du service public n’est sans doute pas étranger au choix qu’il en avait fait. C’est en chevalier qu’il choisissait les causes les plus généreuses, celle de l’enfance en danger par exemple. Il se donnait à elles corps et âme, médusant ses collaborateurs, qui peinaient à le suivre quoique beaucoup plus jeunes, par cette résistance physique qui l’avait sauvé des camps de la mort.
S’il aimait à s’entourer de jeunesse, c’est qu’il avait gardé l’âme sans rides, jusqu’à cette nuit où il s’est éteint, sans passer par la maladie, illustrant le mot de Saint-Simon : « Il est mort tout en vie. »
Épris d’art et débordant comme il l’était de générosité, cette vertu cornélienne, on ne s’étonne pas que, pendant plus d’un quart de siècle, il se soit dévoué, en lui apportant l’éclat de son prestige, à notre cause qui est celle de la beauté. »
La Télévision (unique référence négative) :
Depuis avril 2013, mesdames Mona Ozouf, historienne, et Sylvie Pierre-Brossolette, petite-fille de Pierre Brossolette et membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, ont mené une intense campagne de presse dans le but d’obtenir le transfert des restes de Pierre Brossolette au Panthéon.
Dès son début, cette campagne de presse a rencontré une certaine opposition puisque, dans un article véhément publié le 31 mai 2013 dans Le Monde, le journaliste Pierre Péan a déclaré que ce transfert serait un affront à la mémoire de Jean Moulin.
En réponse, madame Coline Serreau a réalisé en 2015 un téléfilm « Pierre Brossolette ou les passagers de la lune ». Dans ce téléfilm, De Gaulle était un monarque autoritaire, entouré de courtisans, qui méconnaissait la situation de la France occupée, car il se fiait aux rapports de Jean Moulin qui ne comprenait rien ni au présent ni à l’avenir de la Résistance. Émile Bollaert était un vieil imbécile et Winston Churchill un fourbe. Seul, Pierre Brossolette détenait la Vérité et était le Prophète dont la France a été prématurément privée.
Dans la présentation de la rediffusion de ce téléfilm, Télérama écrit dans son n° 3452 du 12 mars 2016 : « Pierre Brossolette mérite mieux que cette hagiographie maladroite ».
Il faut souligner que cette campagne de dénigrement est en totale contradiction avec les nombreux témoignages antérieurs de madame Gilberte Brossolette, veuve de Pierre Brossolette.
Après le téléfilm de Coline Serreau, ont été publiés plusieurs téléfilms, à l’instigation de Mona Ozouf, où le rôle d’Émile Bollaert est progressivement minimisé, jusqu’à être totalement ignoré.
Curieusement, dans le déclaration du président François Hollande en hommage à Pierre Brossolette le 27 mai 2015, le nom d’Émile Bollaert n’a pas été prononcé. A cette époque, la Délégation aux Commémorations Nationales était rattachée aux Archives de France et était dirigée par M. Philippe Richard. Dans son équipe figurait M. Charles-Louis Foulon, historien, dont les analyses étaient proches de celles de Mme Mona Ozouf.
La Radio :
1) En 1964, dans une série d’entretiens 1940-1944 La Résistance, témoignages et documents pour servir l’Histoire, Stanislas Fumet et Francis Crémieux publient sur France Culture une interview d’Émile Bollaert sur l’arrestation et la mort de Pierre Brossolette.
Cette interview n’est pas datée.
Il est curieux de constater que cette interview reprend, presque mot par mot, le texte d’un projet de discours de 1947.
Cette émission a été rediffusée le 7 mai 2021 par Philippe Garbit sur France Culture dans l’épisode 5 des «Nuits de la Résistance – Épisode 5 : Géographie de la résistance : Quand Émile Bollaert racontait son arrestation en Bretagne aux côtés de Pierre Brossolette (1964)».
Mais, dans la présentation de cette rediffusion du 7 mai 2021, Philippe Garbit commet une erreur grossière. Il dit que :
« S’étaient embarqués sur le Jouet des Flots :
– Pierre Brossolette qui était chargé d’une importante mission par le général de Gaulle,
– et Émile Bollaert qui l’accompagnait. »
alors que c’était l’inverse !
Voici un extrait sonore de cette émission de 2021 :
2) Dans une chronique de France3-Régions, en date du 20 juin 2020, le journaliste Gonzague Vandamme déplorait que deux grandes figures du tout début de la Résistance aient été injustement oubliées : Le général Charles Delestraint et Émile Bollaert.
Le Sénat :
Au décès d’Émile Bollaert, c’est le Président du Sénat, M. Alain Poher, et non le Gouvernement, qui a organisé le 23 mai 1978 le service funèbre aux Invalides.
Le 17 octobre 1983, dans le palais du Luxembourg, lors d’une remise de décoration à Alain Bollaert, Gaston Monnerville, ancien président du Sénat a déclaré, en présence d’Alain Poher, président du Sénat en exercice :
« Esprit généreux et fraternel, démocrate de pensée et d’action, figure exemplaire, Émile Bollaert s’est appliqué, dans les fonctions par lui occupées, en face de toutes les responsabilités qui lui incombaient et chacun sait qu’elles furent lourdes et primordiales, à faire prévaloir en toutes circonstances son idéal d’humanisme et de liberté.
Il était nourri de culture gréco-latine, à l’instar de son ami et maître à penser, Edouard Herriot, cet autre prince des lettres. Son affabilité sans apprêt, sa courtoisie innée, la finesse de ses jugements et de ses propos n’excluaient nullement cependant la fermeté, le sang-froid, la résolution.
En face de l’inquiétante montée du totalitarisme, il fut de ceux qui, sans faiblesse comme sans inutile forfanterie, demeurèrent attachés de toutes leurs forces aux valeurs morales de la démocratie. Il fut de ceux qui estimaient que la solidarité des hommes libres est une nécessité impérieuse.
Il fut des nôtres, au Conseil de la République où il était heureux de contribuer par son immense expérience, par sa culture, par son altruisme à la mise en place d’une assemblée parlementaire où il retrouvait à la fois la libre expression des convictions civiques et républicaines qui étaient les siennes et le respect de l’opinion d’autrui, une volonté commune de redressement d’une patrie meurtrie dont il avait connu le martyre dans sa propre chair et dans les entreprises d’humiliation de l’esprit. Une assemblée où il retrouvait une volonté de compréhension mutuelle et cette règle d’or qui fut celle de toute sa vie : Le débat démocratique doit être un débat d’idées.
Chacun de nous garde en mémoire le discours prononcé par Monsieur le Président du Sénat dans la cour des Invalides lors des obsèques exceptionnelles que le gouvernement réserva à Émile Bollaert.
Avec l’autorité incontestée qui s’attache à votre personne, Monsieur le Président, vos fonctions éminentes que vous détenez depuis de longues années, et aussi une émotion dont la chaleur n’a pas manqué de troubler les assistants, vous avez évoqué la vie, l’action, les mérites d’Émile Bollaert et les éminents services qu’il a rendus à notre pays. Ce n’est certes pas l’heure de les énumérer à nouveau. Mais qu’il me soit permis de rappeler un passage de votre hommage qui, à mon sentiment, condense admirablement les vertus essentielles de cet être digne d’admiration :
« Dans sa simplicité affable et naturelle, sous l’évident libéralisme qui émanait de toute sa personne, l’observateur attentif percevait la ténacité secrète, l’espérance obstinée et résolue comme une lame d’acier dur qui parfois scintillait dans l’éclat bleuté de son regard. Cette forteresse intérieure, cette indestructible dignité d’homme libre le sauvèrent aux jours de Dora et de Bergen-Belsen lorsqu’il toucha le fond de la misère et de la barbarie. » »
Bien plus tard, le 18 mai 2022, une petite cérémonie a été organisée à l’occasion de la remise, par Alain Bollaert au Musée de la Libération, des originaux de la correspondance entre Émile Bollaert et André Philip à Londres dans les années 1942-1943.
M. Gérard Larcher, Président du Sénat, a écrit qu’il regrettait de ne pouvoir participer personnellement à cette cérémonie, mais qu’il avait demandé à Mme Pascale Gruny, Vice-Présidente du Sénat, de communiquer le message suivant :
« Cher Monsieur,
Votre initiative nous offre l’occasion de nous remémorer non seulement une personne mais un groupe, la cohorte magnifique des Compagnons de la Libération que le général de Gaulle avait tenu à distinguer d’une façon particulière pour leur engagement au service de la France, de la France Libre.
Mes convictions gaullistes me rendent tout spécialement chère la mémoire d’Émile Bollaert et de ses compagnons.
A l’heure où un Gouvernement de rencontre avait pu, oubliant l’Honneur, livrer le pays à la servitude, ces hommes se sont levés et ont accepté de payer le prix de leur courage en une période où l’opposition au Gouvernement de fait de Vichy était synonyme d’opprobre et d’ostracisme. En témoigne le parcours d’Émile Bollaert : haut fonctionnaire, résistant et Compagnon de la Libération.
La vie d’Émile Bollaert est tout d’abord marquée par son attachement au service public et par le sens de l’État. Entré dans la carrière préfectorale en qualité d’attaché au préfet du Nord en 1913, il est notamment chef de cabinet du préfet de la Loire (1919) secrétaire général de la préfecture du Gers (1921), sous-préfet de d’Arcis-sur-Aube (1922), préfet de la Haute-Marne (1929), préfet des Vosges (1931), directeur général des Beaux-Arts (1932) et enfin nommé préfet du Rhône, la ville d’Édouard Herriot dont il est un proche (1934).
C’est un homme qui connaît la France d’en haut comme celle d’en bas.
Préfet du Rhône, il s’oppose, en juillet 1940, au commandement militaire allemand de Lyon. Refusant de prêter serment au maréchal Pétain, il est révoqué par le gouvernement de Vichy et revient à Paris où il devient courtier en assurances pour subsister ; dans cette France à genoux, Bollaert montre toute sa mesure.
Entré en rapport avec le général de Gaulle, il est nommé le 1er septembre 1943 délégué général du Comité français de libération nationale et succède à Jean Moulin. Arrêté en Bretagne alors qu’il tente de quitter l’Hexagone avec Pierre Brossolette, il est déporté à Buchenwald, Dora puis Bergen-Belsen.
Revenu de déportation, il nommé Compagnon de la Libération par décret du 16 octobre 1945. C’est précisément dans le costume rayé des déportés qu’il viendra ranimer la flamme qui brûle sous l’Arc de Triomphe après son retour.
Commissaire de la République pour l’Alsace (1945-1946), il effectue un bref passage au Conseil de la République où il est élu en décembre 1946. Il n’oubliera pas cette expérience et dira à plusieurs reprises son attachement à l’assemblée qui siège au palais du Luxembourg. Émile Bollaert est un républicain qui sait l’importance du Parlement.
Mais ses compétences lui valent d’être nommé, le 13 mars 1947, Haut-Commissaire de France en Indochine où il succède à l’amiral Thierry d’Argenlieu. Dans cette période si dure où vont débuter les guerres coloniales, il manifeste son sens de l’histoire et tente de contribuer à former « une union française vivante et libre », pour reprendre les termes qu’il utilise devant le Conseil de la République en en prenant congé.
Sa mission au cours de laquelle il envisage avec beaucoup de prescience et de lucidité les modalités d’une paix conduisant à l’indépendance ayant pris fin le 11 octobre 1948, il est nommé, le 13 mai 1949, président du conseil d’administration de la Compagnie Nationale du Rhône, fonction qu’il exercera jusqu’au 13 novembre 1960.
Du passage d’Émile Bollaert au Conseil de la République, je retiens qu’il y a été élu le 19 décembre 1946 par l’Assemblée nationale pour le Rassemblement des Gauches Républicaines, en même temps que… Au cours de ce bref mandat, il intervint à trois reprises en février 1947 sur des textes destinés à améliorer la situation des élus locaux une préoccupation qui était –déjà– celle de la seconde chambre du Parlement.
Les archives du Sénat conservent aujourd’hui encore, dans son dossier personnel, l’éloge funèbre prononcé par Alain Poher, Président du Sénat, aux Invalides lors de ses obsèques, les procès-verbaux de commission où il prit la parole et des documents relatifs à son élection au Conseil de la République. Enfin un dossier d’histoire lui est consacré sur le site du Sénat. Il est important de cultiver la mémoire de ces hommes qui ont su dire « NON » alors même que rien n’était assuré et qui ont préféré se tenir à leurs principes, ceux de la France républicaine luttant contre l’occupant.
Mon propos vaut dans la période que nous connaissons, alors qu’un conflit armé endeuille l’Europe et que, dans notre pays même, d’aucuns ont paru souhaiter réhabiliter sous certains aspects un régime de fait qui s’est rendu coupable de collaboration.
C’est pourquoi votre initiative est heureuse et je vous dis l’entier soutien du Sénat de la République. »
La Presse :
Ceci n’est pas un hommage posthume, c’est un article d’actualité écrit le 23 décembre 1932 dans le journal Le Petit Parisien par M. G.-Th. Girard commentant la nomination d’Émile Bollaert à la Direction Générale des Beaux-Arts :
« La Présidence du Conseil annonce que M. Édouard Herriot prononcera tel dimanche, à tel endroit, un important discours politique. Remue-ménage et inquiétude chez les reporters. Le jour dit, rien ne cloche. M. Bollaert a pensé à tout. Le train roule. M. Bollaert conte une anecdote ou dit un bon mot.
Mais M. Bollaert est bien plus qu’un homme d’esprit. Voyez comme l’œil pétille derrière le verre nu de son lorgnon. Retenez cette phrase qui s’échappe de la conversation. Sous les dehors familiers d’une courtoise camaraderie, M. Bollaert abrite les dons d’une vive intelligence.
Fidèle collaborateur ; sait-on ce que représente ce cliché banal ? Chef de cabinet de M. Édouard Herriot, M. Bollaert a réglé, avec une aisance et une sûreté incomparables, les journées du Président. De la tâche écrasante de M. Herriot, il a su écarter les broutilles. Il a su accueillir les importuns, apaiser les inimitiés naissantes. A la porte du Patron, il a veillé sur son labeur, sur ses méditations, sur son repos.
Les Vosgiens vous diront que M. Bollaert a bien réussi comme préfet, à Épinal. Réussite facile, chuchoteront les profanes. Ah ! Vraiment c’est facile de passer son temps à donner à des maires de campagne, embarrassés par quelque question administrative, des conseils discrets et opportuns ! Pour vivre en confiance avec des populations promptes à vous traiter en nouveau venu, à votre arrivée dans le « pays », il faut, soyez-en sûr, une belle dose de doigté, de finesse psychologique et de sens de l’humanité.
Jeune encore et doué de pareilles qualités, M. Bollaert aurait pu prétendre à la carrière d’un grand commis de la III° République. Le voici, on serait presque tenté d’écrire « modestement » directeur des Beaux-Arts.
M. Bollaert n’est pas seulement quelqu’un qui a des lettres et qui joue du piano. Il n’est pas seulement un vrai humaniste, un humaniste dont l’humanisme littéraire s’épanouit en humanisme moral et social, en humanisme … humain.
Sa culture est vaste et profonde. Son savoir et son goût égalent son amour de ce qui est beau. Rien de ce qui est artistique ne lui est étranger.
« La culture, c’est ce qui s’oublie » a dit un jour, à la tribune de la Chambre, M. Édouard Herriot.
C’est vrai quelquefois. Mais ce qui est vrai aussi, c’est que M. Bollaert n’a guère oublié. Il est érudit en même temps que cultivé. Son érudition est délicate et précise. Ses intimes le savaient déjà. Les autres vont en avoir le témoignage …
Et enfin ( c’est si rare ! ) il a du cœur. Il est fidèle ! »
Ce qui est remarquable dans cet article écrit en 1932, c’est que 46 ans plus tard, en 1978, l’année de la mort d’Émile Bollaert, il n’y aura pas un mot à changer.
Émile Bollaert avait promis de suivre les préceptes de Rudyard Kipling et il a tenu parole !
(mis à jour en juin 2024)