29 avril 1945 : Rapatrié en France. il ne pèse plus que 45 kg.
Sur les conseils de son médecin, son épouse le soumet à un régime strict, ne lui augmentant ses repas que progressivement.
1° mai 1945 : Défile, en tenue de déporté, sur les Champs-Élysées.
16 janvier 1945 : réintégré dans ses fonctions de préfet à compter du 25 septembre 1940
1° juin 1945 – 31 mars 1946 : Commissaire de la République (préfet de région) en Alsace.
A pour directeur de cabinet Jean Wolff, pour chef de cabinet Jean Taulelle, pour conseiller culturel Henri Besseige.
Le préfet du Bas-Rhin est Bernard Cornut-Gentille, celui du Haut-Rhin René Paira.
Il supervise une épuration efficace, sans heurt.
Un jour, les services de police croient détecter un réseau nazi clandestin. Une descente de police est organisée et Émile Bollaert tient à y participer personnellement. Les policiers découvrent un atelier de couture confectionnant une grande quantité de drapeaux et insignes nazis. Le directeur de l’atelier se précipite : « Messieurs, ce n’est pas ce que vous croyez : Nous fabriquons des souvenirs de guerre pour les soldats américains ! » Émile Bollaert éclate de rire et répond : « Et bien, continuez ! »
Il faut rappeler qu’à cette époque, l’appétit des soldats américains pour les « souvenirs de guerre » dépassait toute imagination : Roland Bollaert, fils aîné d’Émile Bollaert, rapporte qu’en 1943, en Italie, lorsqu’il était brigadier dans un régiment de blindés (le 4° régiment de spahis marocains), ses camarades et lui, ont échangé, auprès de soldats américains, un lot de pistolets allemands contre un char en état de marche ! Le numéro du char fut maquillé et ce char circula et combattit en surnombre, jusqu’à ce qu’un char de la compagnie fut détruit. Le numéro du char détruit fut alors peint sur le char américain et le tour fut joué !
Il organise la réinstallation des Alsaciens qui avaient fui l’annexion.
Il est dans les meilleurs termes avec l’archevêque de Strasbourg Mgr Jean-Julien Weber, l’église alsacienne étant toujours sous le régime du Concordat. Leurs relations ne sont pas exemptes d’humour : Quand Émile Bollaert signale à Mgr Weber le cas d’un curé qui, dans ses sermons, freine le processus de réintégration de l’Alsace dans la République Française, l’évêque proteste : « Monsieur le Commissaire, vous vous permettez de contrôler les sermons de mes curés ! » et Émile Bollaert riposte : « Oui, Monseigneur, je me permets de contrôler les agissements de mes fonctionnaires. » puisque les curés alsaciens sont payés par l’État.
Mgr Weber acceptera de venir le 20 décembre 1948 célébrer le mariage de Jacqueline Bollaert et Albert Guénard dans l’église Saint-Louis-des-Invalides.
Il reçoit successivement le sultan du Maroc Mohammed V (accompagné de son fils, le futur roi Hassan II) et le bey de Tunis Lamine Bey venus inspecter leurs troupes stationnées en Allemagne.
Le Sultan Mohammed V parle couramment le français et, naturellement s’adresse à Émile Bollaert en français. Quand il s’est adressé à Alain Bollaert pour un détail matériel, il a posé une question en arabe, que le prince Moulay Hassan a traduite. Car un gamin de 14 ans n’était pas digne d’être l’interlocuteur du Sultan.
Octobre 1945 :
Visite du général De Gaulle à Strasbourg.
Le général Jean de Lattre de Tassigny, commandant les troupes françaises d’occupation en Allemagne a son quartier général à Lindau, au bord du lac de Constance, mais il vient presque chaque dimanche à Strasbourg, ces visites étant souvent l’occasion d’une prise d’armes.
De Lattre avait un grave défaut : il n’avait aucun souci de l’heure. Un jour, à la fin d’un déjeuner qui s’était prolongé de manière excessive, de Lattre donna enfin le signal du départ en s’adressant, en haussant le ton, au maire de Strasbourg, Charles Frey, qui était en face de lui : « Mon cher maire, n’est-il pas temps de voir nos troupes ? » et le maire lui répondit avec son accent alsacien à couper au couteau : « Cela tépend, mon chénéral, tu temps que fous foulez les faire attendre ! »
Dans la vallée de la Bruche, sur la colline du Struthof (alitude 800 m), dans le village de Natzwiller, il est construit, le 21 mai 1941, un camp de concentration ayant pour premier but l’exploitation de la carrière voisine, de granite rose, puis, à partir de 1943, le montage de moteurs d’avions Junkers. Les premiers détenus viennent du camp de Sachsenhausen. Le camp prend vite de l’importance et comprendra 6.000 déportés. Ce sont pour 50 % des Polonais et des Soviétiques, et 12 % de Français. Ce camp crée, en 1942, 53 annexes (Kommandos) sur les deux rives du Rhin, dont une est en Meurthe-&-Moselle (à Thil). Il est doté, en février 1943, d’un four crématoire et, en août 1943, d’une chambre à gaz. On estime le nombre de morts entre 17.000 et 22.000. Il a été pratiqué quantité d’horribles expériences sur le corps humain. En septembre-novembre 1944, le camp est évacué et les déportés envoyés à Dachau. La 3° division d’infanterie américaine découvre ce camp, vide, le 25 novembre 1944.
En décembre 1944 et en fin 1945, ce camp est transformé en centre pénitentiaire du Ministère de la Justice, pour y détenir 2.000 hommes: des civils allemands er des Alsaciens collaborateurs.
Ce centre pénitentiaire sera dissous en janvier 1949.
Fin mars 1946, Émile Bollaert adresse une note sur le Concordat en Alsace-Moselle à Édouard Herriot, redevenu simple député à l’Assemblée Constituante et qui, depuis 1920, était préoccupé par cette question du Concordat. Herriot en accuse réception dans une lettre très élogieuse du 8 avril 1946 :
« Assemblée Nationale Constituante Paris, le 8 avril 1946 Mon cher Bollaert, Merci de m'avoir envoyé cette note qui, dans sa complication forcée, me paraît très bien faite. Elle me rappelle de pénibles souvenirs et m'apporte, comme à tous, d'intéressants renseignements. Les conclusions me paraissent sages, sauf que je vois de graves inconvénients à mettre le Vatican dans le circuit. La question est nationale ; elle doit se régler entre Français. Les autorités religieuses pourront consulter leur chef. Pas nous. Vous avez fait de l'excellent travail. Chacun le dit. Les délégués au Congrès m'ont parlé de vous avec des larmes dans la voix. Je vous tiens pour apte à tout. Affections E. Herriot P.S. : Comme vous avez bien fait de ne pas entrer à la Constituante ! »
La mission d’Émile Bollaert en Alsace prend fin le 31 mars 1946, du fait de la suppression des Commissaires de la République.
Juin 1946 : Un collaborateur du Comité d’Histoire de la 2° guerre mondiale dirigé par Mademoiselle Jeanne Patrimonio (ancienne résistante d’Algérie) et rattaché à la Présidence du Conseil reçoit le 4 juin 1946 le témoignage d’Émile Bollaert. Melle Patrimonio lit le rapport de cet entretien et demande qu’il soit complété sur cinq points précis, d’où un deuxième entretien consigné dans deux annexes. Melle Patrimonio approuve l’ensemble et l’archive le 13 juin 1946.
Voici le texte de ce rapport :
Automne 1946 :
Il songe à devenir sénateur du département du Rhône, mais le sénateur radical sortant s’oppose à cette concurrence qui pourrait lui nuire. La direction du parti radical propose alors à Émile Bollaert de se présenter dans le département de l’Oise. Bollaert y fait donc campagne, mais celle-ci est perçue, à juste titre, comme un parachutage. Il est donc battu aux élections sénatoriales du 24 novembre 1946. Au premier tour, il n’obtient que 178 voix sur 1350 suffrages exprimés, au second tour 489 voix sur 1326 suffrages exprimés. La direction du parti radical le met alors sur la liste des candidats sénateurs devant être élus par l’Assemblée Nationale.
20 décembre 1946 – 7 novembre 1948 : Conseiller de la République (sénateur) élu par les députés de l’Assemblée Nationale par 531 voix sur 582 votants.
Inscrit au groupe du Parti Radical et Radical-Socialiste.
Vice-Président de la Commission de l’Intérieur.
16 janvier 1947 : Participe au Congrès de Versailles où les Chambres réunies en Parlement élisent le premier président de la Quatrième République, Vincent Auriol, socialiste.
Printemps 1947 :
Il écrit un projet de discours sur l’arrestation et la mort de Brossolette.
Voici le texte de ce projet :
« Pierre Brossolette, voici déjà trois ans que ce héros de légende a disparu ! On permettra à l'un de ses camarades, au compagnon des dernières heures de sa vie glorieuse, d'apporter ici le pieux témoignage d'une admiration sans bornes et d'un souvenir impérissable. On a bien souvent reproduit l'étonnante carrière de ce fin lettré dont la trop courte vie fut un incessant combat pour les idées les plus généreuses, pour les réformes de structure qu'il estimait nécessaires à l'évolution de l'état moderne, pour la suppression des groupements d'intérêts et des privilèges qui, disait-il, dégradent la moralité civique en même temps qu'ils s'opposent au progrès social. Je n'entreprendrai donc pas de retracer, après tant d'autres, l'unité de ce destin hors-série, de cette vie ardente d'où se dégage, à la vérité, une suprême passion, la passion de la France. Je me bornerai, pour tous ceux de ses amis connus ou inconnus qui me font l'honneur de m'écouter, à évoquer les derniers mois de Brossolette, les derniers mois qui le conduisirent au sacrifice suprême. J'avais rencontré Brossolette à diverses reprises à Paris et c'est lui-même qui, en mai 1943, était venu m'apporter de Londres les décrets me nommant successivement Préfet de police à compter du jour de la libération, puis Délégué général du Comité français de la Libération Nationale. Ces contacts, assez espacés tout d'abord, devinrent de plus en plus nombreux et je ne tardai pas à le prendre à la fois pour guide et pour conseiller. La tâche était particulièrement dure et je souffrais beaucoup de ne pas connaître le personnel de Londres avec qui j'étais en communication. Un jour de novembre, je demandai donc à Pierre de m'accompagner à Londres et à Alger et de m'introduire auprès des nombreux amis qu'il avait dans l'une et l'autre villes. En dépit des difficultés que présentaient les voyages clandestins, Brossolette n'hésita pas une seconde et se mit à ma disposition. Sans doute avait-il déjà entrepris plusieurs voyages de cette nature, mais c'était en saison plus clémente : cet automne finissant était assez pluvieux et les brouillards épais. La petite escadrille d'avions affectés à ces transports venait de subir d'assez lourdes pertes. Nous nous mîmes néanmoins en campagne dès le début de décembre et allâmes nous aposter, Brossolette dans le Nord, moi-même dans le Sud-Est dans l'attente d'avions réclamés impérieusement à Londres. Notre attente fut vaine : Pendant vingt jours, les messages ne cessèrent pas de nous annoncer l'ajournement de l'opération, mais le dernier quartier de la lune nous trouva à notre gîte provisoire frémissants d'impatience. Nous rentrons donc à Paris ; Le temps se gâte tout-à-fait ; Vent, pluie, brouillard rendent impossible tout transport aérien. Nous ne prenons pas moins la résolution de faire une nouvelle tentative en janvier et cette fois-ci, nous allons tous deux en Touraine. Hélas ! Même déconvenue : les messages [de la BBC] « de Minos à Rhadamante » nous enlèvent peu à peu tout espoir de franchir la Manche par la voie des airs. Nous cherchons donc un autre moyen. La résistance bretonne nous le fournit : elle est en train de monter une opération avec un bateau à moteur qui, par une amère ironie, s'appelle le Jouet des Flots. Je ne devais plus revoir Pierre que le 16 mars : Ce soir-là en effet, je suis brutalement extrait de ma cellule, conduit à la Cité Universitaire de Rennes qui servait de siège à la Gestapo et au cours d'un interrogatoire entrecoupé de matraquages, je m'entends poser la question : « Que faisiez-vous avec Brossolette ? » Nous sommes donc identifiés. Le 19, par un dimanche ensoleillé, nous quittons Rennes enchaînés l'un à l'autre dans une conduite intérieure sous la garde de deux policiers. Nous arrivons au 84 de l'avenue Foch où nous passons la nuit. Toujours rivés l'un à l'autre et attachés à nos chaises sans pouvoir échanger autre chose que quelques mots à voix basse. Le 20, nous sommes écroués à Fresnes. Le 22, nous sommes ramenés avenue Foch ; Je le croise dans le souterrain de la prison ; Il me dit bonjour furtivement, mais je lis dans ses yeux une froide résolution. Nous subissons un nouvel interrogatoire dans deux pièces contiguës ; J'entends ses cris comme il doit entendre les miens. Son interrogatoire se termine avant le mien ; Escorté de son bourreau, il rentre dans la pièce où je suis moi-même à la torture ; on le met au coin comme un enfant, la face tournée vers le mur. Il est midi. Nos policiers doivent aller déjeuner après une matinée aussi bien remplie. Nous sommes donc conduits au cinquième étage de l'immeuble, dans des chambres de domestiques transformées en cellules. Je ne devais plus revoir Pierre ; Ce n'est que quelques jours après que j'appris, par ces curieuses communications transmises à travers les murs de Fresnes, que Brossolette trompant la surveillance de son gardien s'était jeté de la mansarde voisine de la mienne et s'était écrasé au sol... Et c'est ainsi qu'a disparu l'un des plus nobles héros de la Résistance, l'un de ces soutiers de la Gloire à qui la France doit d'être redevenue indépendante, d'avoir retrouvé son âme et de pouvoir marcher vers de nouveaux destins. »
Le manuscrit de ce discours a été conservé. A-t-il été enregistré ?
Car il est très curieux de constater que le texte de ce projet a été réutilisé, presque mot pour mot, dans une interview de France Culture de 1964, que nous citons plus loin, dans le chapitre 13.
Printemps 1947 :
Il est surpris et amer de constater que, dans la nouvelle administration d’après-guerre, figurent de nombreux faux résistants et anciens collabos. Publiquement, il n’en dira rien, car il se sent solidaire du corps administratif et il comprend la politique de De Gaulle qui cherche à reconstruire le pays avec tous les Français, fût-ce au prix d’une amnistie générale. Toutefois, dans ses papiers personnels, il a été trouvé un projet de discours en hommage à Jean Moulin, où il donne libre cours à son amertume. Cette diatribe, écrite au printemps 1947, a-t-elle été vraiment prononcée ? En voici le texte :
« Dans l'émouvante cohorte des martyrs de la Résistance, toutes les classes, tous les milieux de notre pays sont numériquement et qualitativement représentés et il n'est pas du droit d'aucun parti politique de s'en approprier la gloire. Certains ont pourtant assez souvent émis cette audacieuse prétention pour qu'aujourd'hui j'aie la fierté et le devoir de saluer la mémoire de Jean Moulin au nom du Parti radical et radical-socialiste et d'honorer, avec tous ceux qui se pressent ici, le grand Français qui entreprit de grouper tous les mouvements d'insurrection et créa le Conseil National de la Résistance. On a bien souvent reproduit l'étonnante carrière de ce jeune et charmant collègue de l'Administration Préfectorale qui, avec un certain nombre d'entre nous, ne consentit point à accepter la défaite et le honteux armistice. Je n'y reviendrai pas, ou plutôt je ne voudrai y revenir que pour tirer la leçon de la vie de ce héros dont le martyre a fait le symbole même du patriotisme. Jean Moulin n'eut pas besoin, en effet, de bien longues méditations, du spectacle ignominieux de l'oppression étrangère, des exhortations de nos puissants Alliés pour se dresser contre l'envahisseur. Dès juillet 1940, je dis bien dès juillet 1940, il est et il restera le fier Résistant aux côtés de qui les Mouvements de la zone Nord comme de la zone Sud viendront un à un se rassembler. Il était, au reste, assez entraîné à la lutte pour avoir, quelques années plus tôt aux cotés de son chef, dû faire front à de violentes attaques, sur l'origine et la nature desquelles une enquête, prochaine espérons-le, fera sans doute la lumière (1). Pour tout dire, Jean Moulin avait l'âme d'un combattant. Patriote et républicain, il ne pouvait souffrir que la Patrie fût humiliée et la République bafouée. Et nous imaginons sans grand effort, nous qui avons de tout temps partagé ses sentiments, ce qu'étaient ses angoisses lorsqu'une clique d'aventuriers prétendait représenter la France en se roulant aux pieds de l'envahisseur et que les résistants ne se trouvaient qu'une poignée. Mais c'est peut-être de cette confrontation avec la guerre qu'il tira le meilleur de lui-même. Il était, lui aussi, de ces hommes qui croient suffisamment en la Liberté pour lui rester fidèles même lorsqu'elle est foulée aux pieds, qui croient suffisamment à la Vérité pour lui rendre témoignage même lorsqu'elle est odieusement défigurée. Et c'est au nom de la Liberté et de la Vérité qu'il entreprit cette tâche quasi surhumaine de grouper dans la clandestinité tous les Français qui pensaient comme lui et d'établir le contact avec celui d'entre eux qui, dans un message inoubliable, avait oser proclamer en pleine débâcle que la France avait sans doute perdu une bataille, mais qu'elle n'avait pas perdu la guerre. C'est au nom de la Liberté et de la Vérité qu'il dégagea ce qui par la suite devait constituer l'esprit même de la Résistance, cet esprit qui ne tira son inspiration que du tréfonds de la conscience nationale, cet esprit qui ne s'est pas insurgé contre le nazisme pour s'asservir au despotisme de partis totalitaires, cet esprit enfin qui, résolument tourné vers le progrès social, ne le conçoit et ne le comprend pour notre Pays que dans la Liberté et par la Liberté. La Liberté, mon brave, mon cher Moulin, en avons-nous assez rêvé pendant l'occupation ! Et que de projets, au reste, n'avions-nous pas formés ! Sans doute, les choses ne se sont pas déroulées telles que nous l'avions prévu. Oh, non pas que nous ayons été désavoués ni abandonnés. Bien au contraire, il y en a des résistants maintenant ! Plus que tu ne l'aurais supposé, et des héros, et des martyrs. Au point qu'on est un peu confus de n'avoir été que déporté et d'être encore vivant. Et tout ce monde-là pérore, et tout ce monde-là s'agite, et tout ce monde-là, dans l'ivresse de la délivrance ou parfois plus simplement du retour, s'est attribué des galons, des honneurs, des prébendes. Les uns jouent les fiers-à-bras qu'on n'avait pas revus depuis 1940. Les autres ont monnayé leur patriotisme... Qu'est-ce que tu dis ? Que c'est ignoble, que cela n'est pas cela, la Résistance. Ah ! Mon cher, si tu les entendais ! Ils crient plus fort que nous : et ce qu'ils ont fait et ce qu'ils n'ont pas fait, « Et j'absous celui-ci ! » , « Et je condamne celui-là ! ». S'ils avaient eu ce cran-là en 43, tu ne serais pas mort et je ne serais pas allé au camp de concentration ! Mais, mon bon vieux, calme-toi. Ne regardons pas ces vasières. Ton sacrifice, ton sublime sacrifice n'aura pas été vain : Le Boche n'est plus là et nous avons gagné la guerre ! »
Nota (1) : En 1936, Jean Moulin, chef de cabinet du ministre de l'Air Pierre Cot, prend part aux livraisons clandestines d'armes et d'avions au gouvernement républicain pendant la guerre d'Espagne. Ce qui provoque bientôt une violente polémique, certains hommes politiques l'accusant d'être un agent de Moscou. Après sa mort, de 1950 jusqu'en 1977, cette polémique est reprise par des responsables de mouvements de Résistance, dont Henri Frenay chef du mouvement Combat, qui l'accusent d'avoir favorisé les résistants communistes en 1942 et 1943, puisqu'il était un agent de Moscou ! C'est donc à la première phase de cette polémique qu'Émile Bollaert fait allusion.
5 mars 1947 : Émile Bollaert est nommé Haut-Commissaire de France en Indochine.
6 mars 1947 : Albert Lebrun, ancien ministre des Colonies du 9 décembre 1913 au 3 juin 1914, ancien président de la République du 10 mars 1932 au 11 juillet 1940, lui adresse la lettre suivante :
« Mon cher Conseiller, Laissez-moi vous féliciter de votre nomination en Indochine. Tâche magnifique qui s'offre à votre activité. Je souhaite vivement que les Vietnamiens profitent de la circonstance qui s'offre à eux de sauver la face en déposant les armes à l'occasion de votre venue. Ainsi vous pourriez vous consacrer tout à la reconstruction de notre colonie qui en a grand besoin. Je voulais vous écrire récemment pour vous féliciter de votre beau discours au Conseil sur la loi électorale. Quelle magistrale volée de bois vert ! Faut-il que notre esprit public soit défaillant pour qu'un tel projet ait pu voir le jour ! Je vous aurais demandé en même temps un entretien de quelques minutes pour parler avec vous de notre chère Alsace dont je suis sans nouvelles directes depuis la guerre. Mais votre esprit et vos préoccupations sont maintenant ailleurs. Je vous dis très simplement “bon voyage” et surtout “heureux séjour” dans votre Haut-Commissariat. A. Lebrun »
5 janvier 1948 : La maréchale Lyautey lui adresse la lettre suivante :
« Casablanca, 5 janvier Monsieur le Commissaire de la République, Avant de quitter le Maroc, vous m'avez envoyé votre souvenir ; Cette pensée m'a profondément émue, je vous en remercie de grand cœur, vous priant, ainsi que Madame Bollaert, de recevoir mes vœux et j'envie ceux que vous dirigez et gouvernez ! Revenez-nous, Monsieur le Commissaire de la République, et veuillez toujours croire à ma sympathie la plus dévouée, Maréchale Lyautey »
(mis à jour en avril 2024)
-> Chapitre 8 : L’Indochine en mars 1947