Chapitre 3 : Sept ans sous les drapeaux

Été 1911 : Émile Bollaert est convoqué par le conseil de révision. L’adjudant lui demande :
« As-tu ton certificat d’études ?
– J’ai une licence en droit.
– Réponds à ma question : as-tu ton certificat d’études ?
– Non. »
et l’adjudant écrit sur son dossier « analphabète ».
Voilà qui est de mauvais augure. Être confronté pendant deux ans à l’ignorance et à la bêtise de certains sous-officiers semble une pénible perspective. On peut supposer qu’Émile Bollaert réfléchit à une possible affectation dans une unité où il ne perdrait pas deux ans à ne rien faire.
9 octobre 1911 : Incorporé dans le Service de Santé militaire, 1° section d’infirmiers militaires, affecté au laboratoire militaire de bactériologie de l’Institut Pasteur de Lille dirigé, de 1895 à 1919, par le professeur Albert Calmette. Il est chargé, avec le caporal Daniel Petit-Dutaillis, de la surveillance bactériologique des eaux de boisson des garnisons du 1° Corps d’Armée. Ce travail est tout nouveau pour Émile Bollaert qui le trouve intéressant. Il aide son camarade Daniel Petit-Dutaillis à rédiger une observation sur l’anaphylaxie (allergie).

Emile Bollaert dans le laboratoire Calmette
Émile Bollaert dans le laboratoire Calmette


Pourquoi a-t-il été incorporé dans le Service de Santé est la deuxième énigme de la jeunesse d’Émile Bollaert. On peut supposer que le père d’Émile Bollaert avait gardé quelque contact avec Albert Calmette qui avait été médecin du service de santé de la Marine de 1881 à 1887 et avait participé à la campagne du Tonkin, menée en 1883 par l’amiral Courbet, comme médecin-aspirant sur la corvette La Triomphante.

1° mars 1912 : Soldat de 1° classe.
1912 : diplôme d’allemand de l’Institut Industriel du Nord (études autorisées par le professeur Calmette). Pourquoi a-t-il appris l’allemand est la troisième énigme de la jeunesse d’Émile Bollaert. De deux choses l’une : Ou bien il a manifesté ce désir, que Calmette a encouragé, ou bien c’est Calmette qui le lui a demandé, car ce dernier aurait souhaité obtenir la traduction de certains ouvrages scientifiques, notamment ceux de Robert Koch qui, en 1882, découvrit le bacille qui porte maintenant son nom ?
1° mars 1913 : Caporal.
8 novembre 1913 : Démobilisé, à l’expiration de sa période de service militaire obligatoire.
Daniel Petit-Dutaillis deviendra par la suite chirurgien des Hôpitaux de Paris.
Albert Calmette sera le co-inventeur du BCG après de longues recherches de 1908 à 1921.
9 décembre 1913 – 2 août 1914 : Chef-adjoint de cabinet du préfet du Nord, Félix Trépont, sur la recommandation d’Albert Calmette.
Ce dernier avait apprécié l’intelligence et la bonne volonté de cette recrue qui n’avait pas manifesté l’intention de poursuivre une carrière dans la recherche médicale. Licencié en droit, il pouvait tenter sa chance dans l’administration préfectorale.
Faut-il rapprocher cette démarche et le fait que Guillaume Calmette, père d’Albert Calmette, était chef de division à la préfecture (de Nice ?).

Albert Calmette en 1920


3 août 1914 : Lors de la mobilisation générale, rappelé sous les drapeaux, dans le Service de Santé, avec le grade de caporal.
Secrétaire du médecin-chef de l’hôpital d’évacuation n° 1 qui se déplaçait à la suite des troupes pendant la première bataille de la Marne (6-12 septembre 1914), puis à Reims, Aubérive et Muizon.
Décembre 1914 : Demande à être versé dans une unité combattante.
15 février 1915 : Caporal au 1° Régiment d’Infanterie à Saint-Yrieix-la-Montagne (Haute-Vienne).
9 avril – 9 août 1915 : Élève au centre d’instruction de Saint-Maixent (Sarthe), 8° de sa promotion.
25 juillet 1915 : Aspirant.
10 août 1915 : Élève au centre d’instruction des élèves-officiers de la Valbonne (Ain).
26 octobre 1915 : Sous-lieutenant. En raison de son rang de sortie (3° sur 70), a le privilège de choisir son corps d’affectation.
1° décembre 1915 : Affecté au 13° bataillon de Chasseurs Alpins, sur le front des Vosges, puis sur la Somme, puis autour de Reims.
11 août 1917 : Affecté au 67° bataillon de Chasseurs Alpins, au pied du Chemin des Dames.
L’offensive, que le général de division Robert Nivelle avait lancée le 16 avril 1917 pour conquérir cette route de crête (altitude 185 m) qui domine la rive droite de l’Aisne sur 30 km, a fait en six jours 120.000 morts du côté français sans aucun résultat. D’où des mutineries en mai 1917 et une cinquantaine de « fusillés pour l’exemple ».

Emile Bollaert dans la Somme, à la ferme Saint-Nicolas
Dans la Somme, à la ferme Saint-Nicolas


17 septembre 1917
: Gravement brûlé à la face et aux mains lorsqu’il commandait un exercice de lancement de grenades incendiaires à Montlognon (Oise) près de la Mer de Sable, en préparation de l’attaque du fort de Malmaison (Aisne) qui contrôle l’accès au Chemin des Dames. Cette attaque aura lieu avec succès le 24 octobre 1917.
Hospitalisé à Compiègne à l’hôpital bénévole 17 bis, dit de la Compassion, dirigé par la baronne Henri de Rothschild.
26 octobre 1917 : Lieutenant.
Décembre 1917 : Renonçant à un congé de convalescence, rejoint le 67° bataillon à Hartmanns-Weilerkopf, Haut-Rhin.
A partir d’avril 1918 : Combat dans l’Oise, l’Aisne, la Somme.
12 juillet 1918 : Attaque du bois du Gros Hêtre, à Ailly-sur-Noye, au sud d’Amiens, où il gagne une nouvelle citation pour sa Croix de Guerre.
4 novembre 1918 : Combat meurtrier pour le franchissement réussi du canal de la Sambre.
Suite à ce fait d’armes, son unité est repliée à Compiègne et il obtient une permission de quelques jours pour embrasser ses parents réfugiés à Paris. Par hasard, il croise sur la route les plénipotentiaires allemands qui venaient de signer l’armistice, mais il ignore encore le résultat de leur venue. Ce n’est qu’en arrivant à Paris qu’il apprend la signature de l’armistice, célébrée par une foule folle de joie.

Emile Bollaert en permission avec sa fiancée
En permission avec sa fiancée


9 février 1919
: Mis à la disposition du général Charles Mangin, commandant la tête de pont de Mayence. Administrateur-adjoint du Cercle de Gross-Gerau (Hessen) entre Mayence et Darmstadt.
Il est logique d’utiliser les compétences d’un lieutenant licencié en droit, ayant 8 mois d’expérience dans l’administration préfectorale, et parlant allemand de surcroît, pour contrôler les territoires occupés.
27 juillet 1919 : Démobilisé.

27 décembre 1926 : Promu capitaine de réserve.
25 décembre 1936 : Promu chef de bataillon de réserve et affecté, en cas de mobilisation, au commandement du 93° bataillon de Chasseurs Alpins.
13 mai 1947 : Atteignant la limite d’âge, est rayé des cadres des officiers de réserve avec le grade de lieutenant-colonel.
29 octobre 1947 : Chef de bataillon honoraire.

(mis à jour en juillet 2017)
-> Chapitre 4 : Cabinets ministériels et préfectures